- Interview Julie Gayet - Soeurs Jumelles -

Né de la rencontre entre Julie Gayet, Hélène Grimault, Delphine Paul & Eric Debegue, Sœurs Jumelles aurait dû fêter sa naissance en 2020. Las, c’était sans compter sur la pandémie de Covid.

Mais la belle équipe n’a pas baissé les bras. Parallèlement à la mise en ligne de Soeursjumelles.com dont la vocation est de faire exister le projet à l’année, elle a réussi la prouesse d’organiser, sans grande visibilité (sanitaire) cette première édition d’un festival dédié à la rencontre et à la célébration de la musique et de l’image.
Une belle réussite, en forme de galop d’essai pour les prochaines années.

Avec son enthousiasme habituel, Julie Gayet revient pour Cin’Ecrans sur les ambitions de cette première édition et ses envies pour celles à venir. Vivement juin 2022 😊

Gadjo Dilo - Romain Duris & Rona Hartner

Actrice, réalisatrice, productrice, distributrice et aujourd’hui conceptrice de Sœurs Jumelles…
En réalité, je ne me sens pas réalisatrice, j’ai fait des documentaires (ndlr, 3 films autour des Cinéast(e)s) que j’ai d’ailleurs co-réalisé avec Matthieu Busson, vraiment à dessein, pour ne pas avoir à prendre la réalisation en main et le laisser gérer cet aspect-là.
Je me sens actrice, ça c’est certain et productrice complètement ! J’ai aimé et j’aime ça, même si aujourd’hui, j’ai mis un peu en veille ma petite société de production pour ne faire que de la coproduction associée.
Je n’ai plus une structure comme j’avais avant mais ça a vraiment été un choix au tout début du confinement. C’était ou grossir ou être de nouveau plus petite et être toute seule. Finalement, je suis toute seule et c’est très bien. A l’époque, j’avais lancé la distribution qui est donc une des raisons pour lesquelles j’ai dû fermer ou mettre en veille ma société de production car ça nous a coûté un peu cher. On a donc arrêté la distribution, même si je suis restée très proche d’Emilie Djiane qui avait monté la distribution et qui s’occupe là, pendant Soeurs Jumelles, du cinéma.

Comment est né le projet Sœurs Jumelles ?
Rouge, c’était comme un petit studio indépendant mais on fonctionnait un peu comme les grands groupes. On avait production, distribution et édition ! Et les éditions, c’était Hélène Girault qui s’en occupait. Hélène, elle habite La Rochelle, elle est venue un jour partager ce sentiment que c’était compliqué de faire rencontrer ces deux mondes, le monde de la musique et de l’image.

On a eu cette même analyse que le monde de la musique et le monde de l’image sont en train de se dissiper c’est à dire qu’on voit vraiment des artistes musiciens qui font des clips, pensent images, réfléchissent à l’image, racontent des histoires et font des films, l’image les inspire. Et vice-versa, les gens d’images s’intéressent très tôt à la musique, s’intéressent aux éditions. Ils ont besoin d’avoir le compositeur ou même la musique parfois très en amont. Et puis surtout, ce monde de l’image se diversifie c’est à dire que oui c’est du cinéma mais c’est aussi de la série, du documentaire, de l’animation, du jeu vidéo, de la pub, du clip… On voit bien tout ce qui se fait en matière d’image, de vidéo, tout ce qui se crée, et donc on avait envie de les faire mieux communiquer.

Des demoiselles de Rochefort à Soeurs Jumelles, une évidence pour tous ?
C’est incroyable, comment une œuvre a fait rayonner une ville dans le monde entier, même en Chine ! Et se dire que, là maintenant, de Rochefort on va faire rayonner ce rapport entre l’image et la musique que chérissaient tellement Jacques Demy et Michel Legrand…oui c’était une évidence ! Et donc, c’était important de commencer par cet hommage et de faire rayonner ce duo mythique, cette alchimie entre deux créateurs pour la soirée d’ouverture (ndlr, une soirée hommage à Jacques Demy & Michel Legrand à revoir sur Arte TV en cliquant ici )

Quand on va dans le bureau du maire de Rochefort qui nous a accueillis et ouvert les portes, on retrouve de grandes photos du tournage des DEMOISELLES DE ROCHEFORT. C’est dans ce bureau qu’ont été tournés les cours de danse du film, c’est assez magique. J’espère qu’au cours d’une prochaine année, on arrivera à faire repeindre les volets de toutes les couleurs comme dans Les demoiselles, qu’on arrivera à faire des choses folles comme par exemple, un grand bal sur la place ou un karaoké géant.
Là, on ne peut pas vraiment faire ça, ni de grands jeux, mais on a très envie de faire participer et de faire rayonner toute la ville. C’est très frustrant cette année, et je ne voudrais surtout pas que les gens ici croient que nous sommes en train de faire une espèce de colloque dans notre coin parce que ça me rendrait très, très triste, parce que ce n’est vraiment pas l’idée.

Exils - Romain Duris & Lubna Azabal

Il a fallu s’accrocher pour monter cette première édition ?
Sincèrement c’est compliqué, là, de de monter un événement mais il faut bien commencer quelque part. On s’est dit qu’il fallait poser la première pierre pour que les gens comprennent notre intention, voient cette transversalité.

Initier ce type de rencontres entre deux mondes, où on peut débattre, où il y a des conférences où il y a des Masterclass très ouvertes au grand public où il y a des live…

L’année prochaine, on pourra rêver à une plus grande échelle. Je crois que les partenaires sont tous emballés, ont compris l’état d’esprit, voient à peu près à quoi ça va ressembler. Il me semble que c’est comme une grande répétition générale et vous allez voir l’année prochaine ça va être waouahhhhh ! (éclat de rires)

Parallèlement au Festival, l’équipe de sœurs jumelles a également initié, un site Soeursjumelles.com, une plateforme de contenus déjà très riche…
On a créé le média Soeurs Jumelles et on aimerait qu’avec des partenaires comme l’INA, la SACEM, le CNC ou le CNM, on puisse toute l’année communiquer, raconter les chiffres, les news, que ce soit un lieu, entre autres, pour mettre en lumière les compositrices !

Liberté

Justement depuis quelques années, tu fais partie du collectif 50/50 qui milite très activement pour promouvoir l’égalité des femmes et des hommes et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel. C’est une action qui est aussi au cœur de Sœurs Jumelles…
On doit être dans l’action et on doit être pro-actif pour arriver à faire bouger les lignes là on n’est pas encore à 50/50, on n’est pas encore à l’égalité salariale donc de toutes façons c’est un énorme chantier un énorme travail qui doit se faire sur tous les niveaux de la société.

Donc il ne faut pas lâcher ce travail-là, évidemment !  C’était donc important de montrer cette image-là, par rapport à la musique et de mettre en lumière les compositrices parce qu’elles ne sont que 8%, c’est très peu !
Aurélie Saada (ndlr, présente sur scène lors de la soirée d’ouverture “Demy/Legrand”), par exemple ! Aurélie, elle vient donc d’un groupe les Brigitte et elle vient de réaliser son premier long métrage (ndlr, ROSE en salles le 8 décembre). Elle fait des clips, elle écrit, elle produit, elle compose mais on ne pense jamais qu’elle compose. Je pense que, souvent, certains se disent “Tiens, qui y-a-t-il derrière les Brigitte ? Qui écrit ? ”  Et bien non ! C’est elle qui écrit et c’est elle qui a composé la musique de son film. C’est pareil pour Hollysiz (elle aussi présente pour le spectacle d’ouverture) qui est autrice, compositrice, productrice, interprète. Il faut vraiment montrer ces modèles aux jeunes filles d’aujourd’hui pour qu’elles aient des modèles. Nous, on veut montrer qu’elles existent, avoir une fenêtre pour elles, c’est vraiment un but de mettre en avant les compositrices. On a essayé de faire qu’il y ait égalité, ou presque, chez nous. Alors, à chaque fois qu’il y aura un grand compositeur, on mettra une grande compositrice, à chaque fois qu’il y aura une table ronde avec un homme, il y aura une table ronde avec une femme… Pareil pour les films de réalisatrices et de réalisateurs, on va essayer cette égalité-là.
Et puis on a découvert qu’il y avait l’association “Troisième autrice” qui venait d’être montée. Elles sont 12, présentes ici.  Il y a aussi “Présence compositrice” dans la musique classique, qui a créé « Demandez à Clara » une application absolument incroyable. On a décidé qu’on allait faire un partenariat et qu’on allait incorporer les compositrices de musique à l’image dans leur application. C’est une application où quand vous voulez jouer une partition d’une compositrice vous cherchez par genre “18e… baroque… flûtiste… pianiste..” et on vous indique comment trouver ces partitions, c’est génial !

Outre les rencontres, projections et autres masterclass, la musique live est très présente sur Sœurs Jumelles…
On voulait présenter tous types de musique, la musique électro, la musique symphonique la musique contemporaine, la pop, les chansons actuelles.
L’idée c’était également qu’il y ait une résidence et qu’on fasse une création qui pourrait être jouée un peu plus tard. Cette année, la création jouée pour la première fois en clôture du festival, c’est celle d’Alex Beaupain (ndlr, Musicaa, un spectacle autour des grandes chansons d’amour dans le cinéma, coécrit avec Stéphane Foenkinos) qui est en résidence, en ce moment, à La Rochelle à La Sirène.
On voulait également un spectacle d’ouverture et comme ça s’appelle Soeurs Jumelles et que nous sommes à Rochefort, ça ne pouvait être qu’un hommage à Jacques Demy et Michel Legrand. Mais l’idée, par la suite, est que le spectacle d’ouverture soit consacré à l’invité d’honneur. Donc si notre invité d’honneur, l’année prochaine est David Lynch, ce sera, soyons fous (rire), un concert autour de David Lynch.

L’idée c’est donc que l’ouverture soit centrée sur l’invité d’honneur et la clôture, une création contemporaine de musiques actuelles. Après, il y aura aussi des ciné-concerts et tout un tas de choses mais toujours autour de propositions diverses et variées.
L’idée c’est que dès qu’il y a un écran il y a des musiciens, dès qu’il y a des musiciens, il y a un écran derrière, et qu’on fasse répondre les deux…

La musique a-t-elle aussi une place dans ton travail de comédienne ?
Je rentre dans mes rôles par la musicalité, je change ma voix, je cherche le ton. Il y a un peu l’idée, justement, de trouver la note juste du personnage, il y a tellement de façons de parler…Donc je cherche ma voix et quand j’arrive à la post-synchro je retrouve celle que j’avais prise.
Je créée ma voix, en fait, même si c’est “Ma” voix, je sais si elle est plus profonde, plus posée, si elle est plus légère, si elle est plus rapide ou juste murmurée. Et puis il y a le rythme du personnage, la musicalité des mots de l’écriture d’un auteur… J’ai toujours pensé les choses avec cet aspect musical, donc je trouvais bien de donner ici, la parole aux musiciens.

Propos recueillis le 23 juin lors du Festival Sœurs Jumelles de Rochefort

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