Green border – Aux frontières européennes de l’horreur…

Le film ****1/2
Dans GREEN BORDER, Agnieszka Holland décrit froidement l’horreur vécue par des migrants face à des hordes de militaires aux ordres d’un régime cynique et corrompu. La réalisatrice d’EUROPA EUROPA y interroge judicieusement le poids de la responsabilité collective.

Si la révolte suinte de chaque image de ce film choc en forme de témoignage sur la réalité terrifiante d’une catastrophe humanitaire, la cinéaste polonaise fait également le choix de montrer l’envers de ce décor nauséeux.

Agnieszka Holland pose avec force les questions cruciales de l’accueil et de la solidarité face aux crises migratoires, à travers le combat d’une partie de la population qui œuvre dans l’ombre, avec courage et abnégation pour aider et sauver des hommes, des femmes et des enfants abandonnés par des autorités cruelles et sans états d’âme.

Après 2h32, on sort totalement sonnés de cette œuvre intense dont la force tient aussi dans le remarquable travail de son directeur photo, Tomasz Naumiuk qui a fait le choix avec la réalisatrice d’un noir et blanc profond et très contrasté qui donne encore plus de relief à ce tragique récit. Certaines de leurs images resteront gravées longtemps dans nos mémoires…

Avec GREEN BORDER qui lui a valu un très mérité Prix spécial du jury lors de la dernière Mostra de Venise, Agnieszka Holland signe un véritable manifeste politique. Un film qui ne transige pas avec une réalité sordide et qui appelle à lutter face aux idéologies d’extrême-droite qui progressent aujourd’hui quasiment partout en Europe.

Impossible de rester de marbre devant la puissance du propos de cette fiction très documentée, à voir sans plus tarder chez vous si vous l’avez loupé en salles.

Bonus ***
Agnieszka, la réalisatrice (13mn)
Hélène Bienvenu, correspondante de guerre du journal Le Monde (20mn)

Le premier des deux bonus qui compose le menu de ce combo BR/DVD consiste en un montage d’extraits d’une rencontre avec Agnieszka Holland, proposée dans le cadre du Festival Télérama l’hiver dernier.
On y apprend que le film a été réalisé dans un sentiment d’urgence. Pour sa réalisatrice Agnieszka Holland, qui s’exprime en français, l’expérience de la seconde guerre mondiale, l’expérience de l’holocauste ne sont pas finies, pas plus que celle du stalinisme.

Pour la réalisatrice, les menaces autoritaires et totalitaires nous ont fait peur, nous ont vacciné, nous européens pour un certain temps, mais que ce vaccin a perdu de son efficacité ! Conséquence, on se retrouve aujourd’hui dans une situation où tout est possible à nouveau avec une terrible menace sur notre démocratie et l’humanité.

Agnieszka Holland nous explique également les raisons pour lesquelles, elle a choisi d’accentuer la forme brute documentaire de son film, par le choix d’une image en noir et blanc…
La réalisatrice revient également sur l’importance de la sélection du film au Festival de Venise et de son accueil, notamment par le public italien très sensibles aux questions migratoires. Parallèlement à cet accueil chaleureux, Agnieszka Holland nous confie aussi, combien elle a dû faire face aux réactions haineuses des autorités gouvernementales polonaises.
Un témoignage intéressant et édifiant mais qui aurait sans doute mérité un meilleur traitement que ce montage un peu « brut de décoffrage », bien moins subtil que le film qu’il accompagne

Ce léger reproche s’applique également au second bonus, un entretien avec Hélène Bienvenu, correspondante de guerre à Varsovie pour le journal Le monde.
La journaliste y atteste de la véracité du film, ayant vécu durant deux ans, de nombreuses situations similaires, au drame humain dénoncé par le film d’Agnieszka Holland.

Elle revient, elle aussi, et de manière plus précise que la cinéaste sur la réaction plus qu’hostile du gouvernement polonais au film et surtout à sa réalisatrice accusée, entre autres, d’être anti polonaise (elle a même été comparée à une propagandiste nazie !!) et de dévoyer la réalité.  

Hélène Bienvenu nous rassure néanmoins en nous disant que GREENBORDER s’est sorti de belle manière de cette nauséabonde polémique puisqu’il a remporté un véritable succès critique et public, lors de sa sortie dans les salles polonaises avec plus de 800 000 spectateurs.

Deux bonus à voir donc comme de véritables compléments à un film utile, puissant et bouleversant !