- Interview Alex Beaupain - Musicaa

Alex Beaupain était ce 25 juin au Théâtre de la coupe d’or à Rochefort pour y présenter en clôture du festival Sœurs Jumelles  MUSICAA, un spectacle musical, spécialement créé pour l’occasion avec la complicité de ses musiciens, de Stéphane Foenkinos à la mise en scène et celle de comédien.nes ami.es : Françoise Fabian, Aure Atika, Aurélie Saada, Eden Ducourant, Tania de Montaigne & Grégoire Leprince-Ringuet.
Le chanteur – compositeur, entre autres, des CHANSONS D’AMOUR a pris quelques minutes de son précieux temps pour m’accorder cet entretien. Merci Alex 😊

Gadjo Dilo - Romain Duris & Rona Hartner

Qu’est ce qui te plaît particulièrement à l’idée de faire chanter des acteurs et des actrices ? 
Leur fragilité sans doute et puis leur envie. Les acteurs, ça adore chanter ! C’est très agréable d’être sur un plateau comme on l’a été pendant dix jours (ndlr, toute l’équipe était en résidence à La Sirène à La Rochelle pour préparer le spectacle), parce qu’à aucun moment ils ne veulent pas y aller.
Ils sont toujours très heureux, c’est une récréation, c’est quelque chose qu’ils ne font pas d’habitude. Ils sont tellement heureux de prendre un micro, se mettre à chanter avec un groupe qu’on peut les faire travailler mais vraiment contre toutes les règles syndicales quoi ! (rire) Ils sont là du début à la fin avec une envie d’y aller incroyable… C’est très agréable de travailler avec des gens qui ont envie.

Tu retrouves pour l’occasion des artistes avec qui tu as déjà travaillé comme Françoise Fabian et Grégoire Leprince-Ringuet…
Françoise, on se voit souvent quand même car on a fait son album ensemble, il n’y a pas longtemps. On est vraiment devenu amis, donc on se croise régulièrement. J’avais également fait un spectacle avec elle « Les gens dans l’enveloppe », j’avais monté sa tournée avec mes musiciens, qui sont là ce soir sur scène, donc il y a un phénomène de familiarité qui fait que c’est facile de travailler avec Françoise.

Grégoire, c’est rigolo parce que on se voit de loin en loin depuis LES CHANSONS D’AMOUR. Et puis, il est revenu chanter avec moi, de temps en temps. La dernière fois, c’était au Café de la danse à Paris en 2017, je crois. Donc je le vois grandir car il avait 17 ans dans LES CHANSONS D’AMOUR, je me suis excusé d’ailleurs de ce qu’on  lui avait fait faire avec Christophe (sourire)
C’est très émouvant cette fois ci, parce que je ne me rappelais pas qu’il chantait aussi bien. Grégoire a été choriste à la maîtrise de Radio France donc c’est quelqu’un qui connait bien la musique, il joue du piano… Le problème de Grégoire, c’est qu’il sait tout faire ! Il jouait quand même du Sati, du Debussy, là, pendant les pauses !
En plus, il chante très, très bien. Mais comme dans LES CHANSONS D’AMOUR, on l’a fait chanter dans une tonalité un peu basse pour être en accord avec celle de Louis (Garrel, ndlr), je ne m’étais pas rendu compte de ce qu’il pouvait donner avec sa vraie tonalité. Pour ce spectacle, je lui fais chanter une chanson de Michel Legrand qui est la chanson de Delphine qui est très acrobatique notamment avec une descente en tonalité assez compliquée. Il la chante beaucoup mieux que moi et avec beaucoup plus de facilité.

Exils - Romain Duris & Lubna Azabal

Comment s’est fait le choix des chansons du spectacle justement ?
Oh bah, c’est mes appétences et mes goûts !
En fait, au début, on disait que c’était un spectacle sur la musique de films mais Julie (Gayet, créatrice de Soeurs Jumelles) qui est très gentille mais très enthousiaste, veut tout … Je lui ai alors dit “On va y aller tranquille” ! (sourire)

A partir du moment ou on s’est dit avec Stéphane, avec qui on a pas mal de goûts en commun, qu’on allait organiser le spectacle autour des chansons, globalement dans les films français, il ne restait plus qu’à établir une espèce de liste, de se demander comment on pouvait faire des tableaux autour de ça. On est à Rochefort donc, fatalement, on fait un tableau au tour de Demy / Legrand parce que c’est incontournable. Ensuite, on s’est dit “Tiens on va faire les acteurs qui sont mis à chanter et on va faire les chanteurs qui sont mis à jouer » Tout ça se déroule assez facilement.
Puis, au milieu, on fait des choses d’une façon totalement gratuite parce qu’on trouve ça rigolo. C’est un peu le bordel en fait ! Françoise, hier, après le dernier filage du spectacle elle m’a dit, et c’était beau ce qu’elle disait, que c’était chaotique et aérien ! J’espère juste que ce sera plus aérien que chaotique (sourire).
Et puis, il y a un fil conducteur quand même, qui est cette idée de MUSICAA, de Stéphane. Et ce sont toutes ces actrices-chanteuses qui incarnent ce personnage de la musique  qui parfois se sent parfois délaissé, comme à l’arrivée du cinéma parlant. Globalement, c’est une espèce de joyeux bazar, mais qui va quelque part, je crois !

J’espère juste que ça va bien se passer pour les gens que j’ai conviés, car je trouve qu’il faut les recevoir le mieux possible. Mais il n’y a que des gens de bonne volonté sur ce festival et dans ce théâtre qui est très beau en plus, ça va être très agréable.

Est-ce que comme Vincent Delerm, tu pourrais ou aimerais passer derrière la caméra ? 

Il ne faut jamais dire fontaine… mais curieusement j’ai toujours une tendance à me méfier un peu de la pluridisciplinarité, ce qui est idiot quand on est artiste. C’est un  peu con d’être comme ça parce que je passe mon temps à dire que quand on est artiste, il faut faire des choses qu’on ne sait pas faire ! Etre artiste, c’est trouver un moyen de faire ces choses.

En fait, moi ce que j’aime c’est plutôt d’écrire des chansons et d’essayer d’en mettre partout ! Je vais en mettre au cinéma, je vais en mettre au théâtre, je vais en mettre dans des livres. Je suis dans ce truc-là, plutôt que d’essayer différents corps de métiers. Par exemple, je sais que je suis un acteur pitoyable ça, ça n’arrivera jamais. Réaliser quelque chose, en tout cas si ça arrivait, ce qui est un peu le cas de Vincent d’ailleurs, ce serait sans doute plus sous une forme documentaire qu’une forme de fiction.

On m’a déjà proposé de le faire quelquefois, comme on m’a proposé parfois d’écrire des livres, sous prétexte que j’écris des textes de chanson. Je dis non car ça m’ennuie profondément d’écrire un livre, je suis pas du tout un littéraire, moi.
Ce n’est pas de la littérature la chanson, c’est autre chose ; C’est un truc qui va avec la musique, c’est un art à part entière, ce n’est ni de la littérature, ni de la poésie. Les gens sont étonnés mais pour moi ça n’a rien à voir.
En tout cas je ne me lancerai pas dans un film de fiction avec un chef opérateur qui fait tous les plans. Comme je n’ai pas le sens du cadre et que je fais des photos atroces, il n’y a donc aucune raison de faire un film.

On sent néanmoins chez toi, une curiosité et une envie d’éviter la routine…

Oui, c’est vrai que j’aime monter des projets différents. Il y a le spectacle de ce soir mais je pense aussi depuis longtemps à concrétiser un projet de comédie musicale pour la scène mais pas pour le cinéma, cette fois ci.
J’ai aussi fait cette reprise de “Love on the beat” (ndlr, sa version de l’album de serge Gainsbourg) qui va sortir en octobre en album…  Je l’ai fait en live pour Radio France il y a quelques mois et là on vient d’en finir le mixage. C’est un truc plus ambitieux musicalement, plus abouti, un véritable album qui reprend les arrangements de cordes mais pour lequel on a réenregistré les choeurs, on a refait des beats, on a refait des instruments.

Quand ce confinement est arrivé, je me suis rendu compte que j’avais besoin tout le temps de projets donc c’est là que j’ai monté ce truc de “Love on the beat”. Même quand je pars en vacances, c’est souvent avec mes musiciens parce qu’on peut travailler. Je fais un métier tellement formidable que les vacances, ça m’emmerde ! C’est normal, je m’amuse tout le temps !  On a parfois des soucis, mais c’est quand même un luxe insensé ! Puis c’est le métier que je voulais faire quand j’avais 8 ans. Je pensais que je n’y arriverai pas, donc je ne vais pas partir en vacances (sourire) ! Et comme c’est ce que je préfère dans ma vie, en dehors de mes amis, que ça ne me dérange pas en fait !

Liberté

Ce métier te parait plus simple aujourd’hui ?
Je trouve ça agréable de commencer à être un vieux chanteur ! On commence à connaitre des gens, des techniciens, je ne parle pas de show bizz, hein, mais on connait un peu les choses, on a un peu d’expérience, on sait ce qu’on veut faire, ce qu’on ne veut plus faire…
Moi, j’ai une place assez enviable parce que je ne suis pas du tout une énorme vedette mais bon, apparemment, je ne pue pas trop de la gueule encore…  Donc, il y a encore des gens qui paient pour que je fasse des choses. Voilà, c’est le truc le plus important, je trouve (rire)

As-tu eu parfois l’impression que ta fructueuse collaboration avec Christophe Honoré t’avait fermée quelques portes et que ce métier n’a pas toujours eu assez d’imagination à ton égard ?
Sans doute ! Mais c’est forcément un sentiment paradoxal parce que je sais que je dois ma carrière à ce film LES CHANSONS D’AMOUR.
J’avais sorti un premier album (ndlr, Garçon d’honneur) comme chanteur, qui n’avait pas marché et donc Naïve, ma maison de disques à l’époque, freinait un peu pour en faire un deuxième. J’aurais pu me faire virer, mais le succès des CHANSONS D’AMOUR a fait que j’ai pu continuer. Je suis très reconnaissant de ça.

Après effectivement, très tôt je me suis dis « attention parce que là il va falloir essayer d’exister en dehors de ça, si je veux continuer ». Comme chanteur, ça va maintenant je chante toujours les chansons des CHANSONS D’AMOUR en concert parce que ça fait plaisir aux gens et parce qu’il faut chanter ses tubes ! (sourire). Je n’en ai pas beaucoup et ce n’est d’ailleurs pas vraiment des tubes, à part peut-être pour un petit cercle d’initiés. Et je crois que j’ai quelques autres chansons qui existent un peu aussi, je le constate en concert donc ça c’est agréable. Après c’est peut-être au cinéma que les gens manquent d’imagination pour faire appel à moi. Personne n’ose jamais me proposer une comédie musicale parce que c’est pour Honoré. Souvent je dis “Allez-y, proposez-moi des trucs ! »  Je ne me compare absolument pas ;  mais Michel Legrand, il a fait YENT et puis il a fait des films de Jacques Demy, ça n’empêche rien, enfin voilà !

Comment définirais-tu une bonne bande originale ?
C’est une bande originale qu’on entend mais en harmonie avec les autres éléments du film. On dit souvent dans ce milieu “une bonne musique, c’est une musique qu’on n’entend pas !” Alors ça, vraiment ça me saoule, ça me tombe des oreilles je ne comprends pas qu’on puisse dire un truc pareil ! Je comprend ce qu’on essaie de dire, mais, en réalité c’est pas ça. Une bonne BO de film, c’est une musique qu’on entend mais qui épouse le rythme du montage du jeu des acteurs qui est en harmonie avec tout, ou en disharmonie si on choisit qu’elle soit bagarreuse, bien sûr ! Sinon, étant chanteur, j’ai plus d’appétence pour les thèmes avec une mélodie un peu forte. Je suis beaucoup moins intéressé, mais c’est très personnel, par le sound-design ou la musique d’atmosphère.

Y-a t-il une mélodie qui te touche plus qu’une autre ? 
J’ai eu un gros, gros goût pour une chanson du ALADIN de Disney qui était “Prince Ali”, je trouvais que c’était une chanson de music-hall extraordinaire. Et puis sinon, en musique instrumentale je n’ai pas changé, je réponds tout le temps ça, mais c’est vrai que c’est ce que Morricone a fait pour IL ETAIT UNE FOIS EN AMERIQUE.


Les thèmes sont incroyables avec cette espèce de montée de cordes, moi ça me tire les larmes, c’est extraordinaire. Il faut avoir son talent et sa compétence pour le faire, j’en serai totalement incapable, évidemment, mais ça me transporte complètement.

 

Tu serais capable d’aller en salles, juste pour découvrir la bande originale d’un compositeur que tu aimes particulièrement ?
Je ne crois pas, même si ce n’est pas gentil de le dire. Après suis toujours heureux de découvrir une bonne BO, mais comme une première partie qui est bien, avant un concert ! Bon j’exagère un peu parce que, quand c’est vraiment beau, je l’écoute évidemment mais je n’ai pas de véritable fanatisme pour quelqu’un.
Il y a quand même quelques personnes dont je suis le travail et qui m’impressionnent comme Tom Yorke de Radiohead quand il bosse avec Paul Thomas Anderson. Il y a aussi des trucs, comme ce qu’a réussi Damien Chazelle avec son pote (ndlr, le compositeur Justin Kurwitz) sur LA LA LAND, il y a quand même un truc que je trouve admirable, vraiment !

Quels sont tes projets aujourd’hui ? Vous allez tourner avec ce spectacle ? de nouvelles chansons en prévision pour un album perso ?
Il y a eu beaucoup de travail sur ce spectacle. Les acteurs et les actrices en ont envie aussi, donc s’il est réussi, c’est agréable de se dire que ça peut tourner un peu bien sûr… évidemment !  Mais déjà faisons le (sourire), c’est pour ça que je mets tout au conditionnel. On va le faire, et après on va voir si ça vaut le coup de continuer.

Sinon, j’ai écris quelques chansons mais pour le moment  j’ai envie de faire d’autres choses. Il y a ce spectacle, il y a Love on the beat et il y a cette idée de faire un spectacle musical sur scène… Et je me dis que 50 ans pour sortir un nouvel album c’est  pas mal !  Je suis à 47, j’ai donc 3 ans devant moi, c’est une durée cohérente (sourire)
Propos recueillis le vendredi 25 juin, lors du Festival Soeurs Jumelles à Rochefort

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